Portrait de Fabrice Desplan par Eric Dohoun
Indiscutablement les Antilles Françaises sont des fourmilières de talents. Pourtant, les idées reçues
véhiculent la pensée d'une absence d'initiatives des Antillais en faveur des
Antillais. De plus, quand on regarde du côté des jeunes ce serait, selon
toujours les mêmes, le désert. Loin de là, il existe plusieurs jeunes qui ne
bénéficient pas d'une tribune à la hauteur de leur talent.
Fabrice DESPLAN, sociologue guadeloupéen de moins de trente ans installé à Lille est de ceux-là.
Il s'évertue à toujours s'interroger sur l'apport de sa science à son île.
D'ailleurs, il est intéressant de constater qu'il ne parle jamais de son île,
mais des "Antilles francophones". Là est toute la particularité
d'un homme remarquable par son souci du mot juste. Cela ne fait pas de lui un
être sous le feu de la rampe pour autant. Discret, il n'intervient dans des
colloques que par la force des choses, poussé par son entourage.
Aujourd'hui, F. DESPLAN travaille sur la place des religions
minoritaires dans la structuration de l'identité antillaise en France. Il est
persuadé, nous dit-il, que "la majesté de l'Antillais est sa capacité
insoupçonnée, d'elle-même, à digérer les différences, y compris les croyances,
et à les transformer en un puissant outil". Pour lui, les groupes
religieux minoritaires inconnus en France, et qui bénéficient d'une notoriété
sociale aux Antilles, jouent une partition unique dans la migration antillaise
vers la France hexagonale. Ceux-là, rajoute-t-il, participent à structurer la
migration vers la France, en se substituant à l'absence de structure dans les
Régions des Antilles. De plus, le fort élan des antillais pour une rationalité
symbolique fait qu'ils ont une aptitude très forte à avoir des convictions
idéologiques, sans pour autant aller vers les formes modernes et dangereuses que
sont les extrémismes, bien que celles-ci guettent les excès du croire antillais.
Un autre versant de l'homme est son engagement sans limite dans ce qu'il appelle "la réparation des
contingences historiques" ayant entraîné des malentendus entre
l'Afrique et les Antilles. Pas surprenant de le voir longer les associations
africaines, en démontrant avec une verve insatiable les ratés de l'histoire,
que pour lui, africains et antillais entretiennent encore. "Je choque les
antillais en disant qu'il y a plus de ressemblance entre un africain et un
antillais qu'ils osent l'imaginer. Dire le contraire c'est rester dans les
ratés de l'histoire que sont les traumatismes négatifs du colonialisme".
F. DESPLAN se dit au carrefour de plusieurs domaines de réflexion que sont les sciences cognitives, la sociologie
des minorités, des identités, et des organisations. C'est cet amalgame de
connaissances qui porte aujourd'hui les réponses pour une meilleure compréhension des Antilles.
Récemment, son
hommage à Aimé Césaire
pour ses 90 ans a été remarqué et est publié en ligne sur le site
officiel du CAPES Créole. Mais il est loin de se "ghettoïser" (le
terme est de lui) dans sa culture. La réussite des Antilles selon lui est
d'avoir toujours su, malgré les tentations, échapper à un enfermement sur
elle-même, alors que les arguments pour une telle erreur ne manquent pas. C'est
en ce sens que ses interviews d'Hector Bianciotti de l'Académie française, de
Michel Serres, son intérêt pour les ateliers pédagogiques dans les écoles,
etc., sont des témoignages de son ouverture. L'une des choses que je
"dois dit-il aux nègres marrons c'est de toujours rester ouvert et curieux."
Disponible pour toutes activités au bénéfice des Antilles et de la connaissance, F. DESPLAN réalise plusieurs
activités à ce titre. N'hésitez pas à le joindre. Alors que nous nous sommes
souvent plaint de n'avoir pas de jeunes Antillais hautement qualifiés et
engagés dans les sciences humaines, espérons que pour les autres jeunes un
signal positif est envoyé et sera reçu.
Le souhait de F. DESPLAN est d'arriver un jour à créer une structure représentative des Antillais leur
permettant de peser sur les décisionnaires. Ce noble souhait est le vœu de réussite que nous lui faisons.
F. DESPLAN est membre du Groupe de Recherche sur les Actions et Croyances Collectives (GRACC), Université de
Lille 3. Il est également membre associé au Groupe d'Analyse des Réseaux, Echanges et Structures (GARES – IFRES – CNRS)
http://www.univ-lille1.fr/gares