Rires et discussions chauffent l'atmosphère autour de la petite table. Quelques commentaires familiers fusent.
Plaisanteries et souvenirs s'échangent entre ceux qui, déjà, usent d'un langage commun.
Il est vrai que tout le monde se connaît, ou presque. Mais un mur d'indifférence se dresse entre le novice, seul, et ce petit
monde aux contours chaleureux. La clé de la porte de cette micro-société : le langage.
Le vocabulaire technique préserve, entre autres, quelque secret de préparation.
Ainsi, on entend parler du "mangé bec", du "coup d'blanc" porté, du "bec
douvan" ou du "coup d'zaile gauche", expressions créoles qui écartent efficacement le non-initié.
La cour réunit, de fait, les détenteurs d'une connaissance particulière.
Pour l'étranger, le mystère opacifie le déroulement d'un véritable rituel.
La pesée se termine. Les regards se croisent. Le suspense monte.
Plus loin, la maîtresse des lieux s'installe derrière son guichet improvisé.
La petite boîte en fer sur laquelle tintent les pièces de monnaie servira de caisse.
Le public paye six euros pour son droit d'entrée. Les propriétaires de coqs s'acquittent du prix de leur engagement.
Au fur et à mesure, la patronne touchera un pourcentage sur les enjeux au titre d'organisateur.
Les gros éleveurs cherchent à compenser les frais de leurs élevages par les gains qu'ils tirent de l'exploitation d'un "Pitt".
A l'entrée, un espace est aménagé pour accueillir les coqs dans des loges
particulières, les "caloges". Les têtes rouges et rasées sortent
des trous pour crier leur impatience. Agitées jusqu'alors, elles le seront moins plus tard.
Du terme anglais "cock pit", le Pitt est une petite arène de bois entourant une
piste ronde de terre battue où le sort des volatiles va se jouer. Quelques gouttes
d'eau jetées ça et là entre chaque combat suffiront à éviter que la poussière n'envahisse l'espace.
Le toit en tôle ondulée protège les gradins de l'ardeur du soleil.
Des traits de lumières s'en échappent qui, par endroits, vont éclairer la scène.
Le décor est planté, entrez donc vous asseoir sur le skaï rouge des gradins!